127
Les jeunes écrivains ont des scrupules qui disparaissent avec le métier : en plus du comment et du pourquoi, je me demandais si je pouvais tout dire de ma vie. J’avais notamment abandonné l’idée que je pouvais encore faire quelque chose pour ma mère, je savais que je ne pourrais atténuer sa tristesse et l’amener vers autre chose espérant qu’enfin nous pourrions être tous heureux, mais j’avais quelque mal à mettre cette absence de scrupules sur la place publique, il me semblait encore que la littérature ne pouvait être que rattachée à la vie réelle et qu’il n’était pas question d’en faire une pure construction intellectuelle même si, dès cette époque, dans les poésies que j’écrivais par ailleurs et publiais dans mes diverses revue, j’avais depuis longtemps abandonné une telle nécessité. N’avoir jamais été sur une falaise exposée aux vents marins ne m’empêchait pas ainsi d’écrire un poème comme « Situation I » :
falaises où le vent
souffle
de la falaise où
le vent siffle
tu contemples
gifle (le vent gifle)
siffle
regardes très longuement
de
où le soleil fustige
gardes très calme-
et le soleil aussi offre la vie
-ment très
où le vent souffle
lentement
la mer
le vent fouette (siffle)
la mer
(viole) enfouie sous toi
la mer
et dans le vent vio-
lent
découvres
et le soleil aussi ouvre la vie
la voie
le sens profond-
ément mou-
vant (émouvant) de l’être
Prose et poésie me semblaient alors deux territoires différents de l’écriture et il me fallut un certain temps, atteindre à une certaine maturité pour admettre qu’il n’en était rien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire